Une fois n’est pas coutume, je profite de cette page pour un petit billet d’humeur. Inutile de dire tout le mal que je pense des dérives fleurant mauvais l’antisémitisme de Dieudonné. Ses allusions révisionnistes sous couvert de provocation, ses amalgames, ses vidéos qui pullulent en page d’accueil de “Youtube”, sa collection de quenelles, la dieudosphère... Bref. Vous savez, quoi. D’autant que du point de vue du spectateur, c’est rageant que Dieudonné ne puisse finir un sketch sans rivaliser avec “RadioParis” car le gars a longtemps été (est?) l’un des humoristes les plus drôles et talentueux. Passons.
Mais depuis ces derniers jours, une drôle d’idée a germé. Manuel Valls (depuis soutenu –parait-il– par François Hollande) voudrait interdire les spectacles de la tournée de Dieudonné. Ah. Et pourquoi? Propos antisémites? Très bien, alors c’est à la justice de se prononcer, comme c’est le cas dans l’affaire des propos dégueulasses que Dieudonné a tenu sur Patrick Cohen. La justice dira si oui ou non les propos sont antisémites, racistes, injurieux… bref, elle décidera en fonction de l’arsenal dont elle dispose s’il y a lieu ou non de condamner voire d’interdire.
Mais de quel droit un gouvernement interdirait-il (ou demanderait-il à ses préfets de sursoir à) un spectacle? Au nom de l’ordre public? Ah ben oui, si il y a des débordements, avérés ou supposés. Mais avec des preuves. J’ai bien peur qu’ici on mélange des propos et des idées avec le trouble à l’ordre public.
C’est gênant.
Ou alors il faut aussi interdire les meetings du FN et les manifs pour tous (puisqu’on y siffle et insulte Christiane Taubira). Ca peut se défendre, mais jusque là ça n’est pas d’actualité.
J’avais été choqué il y a de cela plusieurs années lorsque la mairie de Montpellier (en la personne de l’adjoint à la culture) faisait interdire le spectacle de Dieudonné dans un petit théâtre humoristique du centre ville (on ne parlait pas encore des quenelles à l’époque). La méthode d’alors avait été de jouer sur les finances (les subsides municipaux dont bénéficiait le théâtre). De même lorsque Ségolène Royal faisait interdire Orelsan aux Francofolies 2009 en raison de l’un de ses titres.
Quand le politique n’arrive plus à convaincre qu’un propos est dégueulasse, qu’une idée est nauséabonde, qu’il use de son pouvoir pour interdire une expression, ça me gêne toujours un petit peu. C’est à croire qu’il n’ont pas d’argument de poids dans leur besace et qu’ils n’ont que la force pour réponse. C’est un peu flippant de penser que sur des sujets aussi graves le politique démissione du terrain des idées.
Quand j’interviens face à des élèves dans des classes et qu’ils me demandent si on peut tout dire, tout dessiner, je leur réponds inlassablement que les limites sont fixées par la loi : insulte, vie privée, diffamation, racisme. Que le blasphème ou la caricature ne sont pas des limites imposées par la loi. Et que c’est tant mieux.
J’aimerais bien ne pas avoir à rajouter que le pouvoir peut se substituer à la justice lorsque bon lui semble.
Je dis ça, je dis rien.
Aurel